Les établissements de l’APEI en grève !

De mémoire d’homme, les établissements de l’APEI n’avaient jamais connu la grève. C’est dire si la situation est grave !

La pandémie a mis au grand jour les difficultés latentes du secteur médico-social : difficulté d’un métier de l’Humain, déficit de reconnaissance et invisibilité des acteurs, rémunération dramatiquement faible, poids des règlements et des injonctions contradictoires. Le médico-social souffrait en silence. Il est sorti de son silence le 08 décembre dernier ! Le personnel de l’APEI de Meudon est dans le mouvement, l’association le soutien.

Difficulté d’un métier de l’humain : être éducateur, ou AMP, c’est certes accomplir un certain nombre de tâches « techniques », allant des toilettes, à l’aide aux repas, en passant par l’organisation d’activités éducatives variées, mais c’est aussi et surtout assurer un accompagnement personnalisé, une présence bienveillante, une adaptation constante au handicap, à la maladie, à l’humeur du résident, c’est répondre à ses angoisses, le mobiliser, le motiver, l’écouter le rassurer, c’est assurer le lien avec sa famille. Et toutes ces actions, on peut vous en parler savamment dans les salles de classe, dans les amphis, mais cela se vit au quotidien dans les foyers, et à la longue ça fatigue, ça use. Et quand la situation RH se dégrade, qu’il faut remplacer les absents, multiplier les heures pour qu’il y ait toujours au moins le minimum d’éducateurs présent, l’usure devient visible, pesante, cruelle.

Déficit de reconnaissance et invisibilité : Sans opposer les uns aux autres, quand on a parlé des soignants, qu’on les a applaudis à nos balcons, qui a parlé du personnel du médico-social qui pourtant ont dû adapter leur rythme de travail pour faire face, dans la durée, à l’épidémie ? Qui a évoqué la peur de certains de venir travailler au foyer par crainte de ramener le virus à la maison, qui a mentionné le surcroit de pression lié à l’inquiétude des résidents confinés qui n’avaient que les infos à ingurgiter à pleines journées, infos gorgées de nouvelles anxiogènes, l’inquiétude des parents qu’il fallait rassurer sans l’être soi-même ? Alors que l’économie était à l’arrêt, qui a mentionné que les établissements médico-sociaux étaient toujours à l’ouvrage ?

Rémunération dramatiquement faible : Sait-on assez que les rémunérations sont si faibles qu’il est quasiment impossible de se loger en région parisienne ? Qui sait que certains éducateurs ont dû aller au bout de la procédure DALO pour obtenir un logement, que d’autres vont s’exiler entre Chartres et Rambouillet pour réussir à se loger, que d’autres enfin font 1h30 de transport en commun pour embaucher à 7h le matin, ou pour rentrer à partir de 22H le soir ? Cette situation est-elle acceptable ? peut-elle durer ?

Poids des réglementations et injonctions contradictoires : Quand la loi impose la bienveillance comme un dogme et qu’il faut appliquer les « bonnes pratiques » de l’ANESM, justifier de l’utilisation des « outils de la loi 2002-2 », les établissements se retrouvent à multiplier la paperasse pour être en règle, ils remplissent mille questionnaires sur le nombre de testés COVID, le nombre de vaccinés (résidents comme salariés), sur les difficultés RH, au détriment du temps passé avec les résidents, au détriment de la construction de la vie d’équipe, de l’esprit de famille, et finalement de la réelle qualité d’accompagnement des résidents accueillis.

Alors oui, il était temps de se lever et de dire notre ras-le-bol de cette situation. De s’élever contre les mesures Ségur dont on parle tant aux infos, faisant faussement croire que les métiers du médico-social étaient revalorisés, rendus plus attractifs.  Et on oublie de dire que le Ségur ne s’appliquent qu’à certaines catégories de personnel et non à tous, qu’il crée des inégalités de traitement qui ne peuvent que nuire gravement à la cohésion d’ensemble et donc à l’accompagnement des résidents.

Oui, il est temps de clamer que la maltraitance institutionnelle étatique envers le personnel, le mépris dont on l’abreuve, en particulier sur le plan salarial, s’accommode mal des beaux discours sur la bientraitance envers des résidents.

Alors oui, nos établissements se sont mis en grève le 08 décembre, et ils le clament.

Mais que nos autorités se rassurent, l’accompagnement s’est poursuivi au sein des foyers de l’APEI de Meudon. Une fois encore la conscience professionnelle l’a permis.

Frédéric LAPLANE

Directeur des foyers de l’APEI de Meudon

1 commentaire

  1. Le travail du médico-social demande une disposition humaine. La douceur, la patience, l écoute, l ampathie le tout couronné par un travail professionnel de qualité. Je pèse mes mots en disant que nous avons affaire à des êtres humains et non à des objets. En effet, l État doit faire preuve d’humanisme et valoriser le milieu médico-social et tous les métier où l’Homme est au coeur du soin. Car si le personnel n est pas bien mentalement, physiquement et enfin économiquement comment peut-on donner un bon résultat.
    Je suis Aide-soignante en formation Assistant de Service Social.

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